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Débattons en paix
15 janvier 2014

La Mafia fa schifo : la mafia nous fait honte

La mafia fa schifo : la mafia nous fait honte.

J'essaye d'apprendre l'italien. Pour cela, je lis des livres en Italien. Malaparte, bien entendu, lui qui m'a appris dans un écrit de 1925 que les fascistes italiens étaient des gens d'extrême gauche (qu'on a classés à l'extrême droite, plus tard, pour des raisons qui tiennent plus de la manipulation que de la réalité historique), et trois livres sur la Mafia.

La mafia fa schifo, recueil de lettres envoyées par de jeunes italiens, expliquant leurs relations avec la mafia, et explicant, chacun à sa manière, à quel point l'importance de la mafia dans leur pays leur fait honte.

Voi non sapete, petit glossaire autour d'un chef mafieux arrêté en 2006 (Bernardo Provenzano, dit u tratturi, dit u raggiuneri), à travers lequel apparaît toute la puissance malfaisante de la mafia : pizzini, pots de vin et autres impots illégaux, puissance financière, influence politique à travers des élus dont elle a favorisé l'élection contre divers avantages financiers, puissance militaire, elle qui a réussi à assassiner pendant plus de 15 ans tous les juges et procureurs qui s'attaquaient à elle. Voi non sapete quello che state facendo (vous ne savez pas ce que vous faites) ont été les premières parole prononcées par Provenzano lors de son arrestation. Allusion  probable au Christ, de la part de cet homme qui, pendant plusieurs années, n'a eu que la bible à lire dans sa cachette de Montagna dei Cavalli.

Le Ultime parole di Falcone e Borsellino, qui montrent à quel point de nombreux Italiens sont complices de la Mafia, par intérêt, par peur, par lacheté, et surtout par indifférence. Combien de tribunaux ont purement et simplement relaxé des meurtriers multirécidivistes contre lesquels les preuves étaient solides ? 

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Giovanni Falcone crédit photo : il sole 24 ore

Quelques exemples de ses actions malfaisantes. 

Le petit racket envers tout un chacun

En Sicile, en Calabre, et ailleurs en Italie, la Mafia organise des péages illégaux. Vous paierez pour aller sur une plage publique, c'est la mafia qui empoche. Vous paierez pour garer votre voiture, c'est la mafia qui empoche. Elle rackette les entreprises, les petits commerces, les vendeurs de rue ou les clodo qui tendent la main. Tous doivent payer leur tribut, faute de quoi, leur avenir est compromis. Une usine qui flambe, une voiture au pare-brise éclaté, en dehors des secteurs "protégés" par la mafia, les rares éléments chauds du clodo dispersés aux quatre vents sont monnaie courante.

Les examens sont couramment truqués. La mafia paye grassement certains chefs d'établissement, examinateurs, pour que ses candidats réussissent aux examens. Gare à qui refuse de rentrer dans son jeu. Dans La mafia fa schifo, un fils d'enseignant témoigne des dégâts sérieux causés à la voiture de l'examinateur qui a recalé les élèves protégés. Il n'est pas dit si l'enseignant a eu le courage de dénoncer la situation, au risque de rétorsions plus violentes. 

Hors du sanctuaire de l'Italie méridionnale, jusque chez nous, il y a là encore le racket, mais aussi les trafics de toutes sortes (drogue, armes, femmes...), les investissements "honnêtes" destinés à recycler l'argent sale. Ces investissements assurent à la mafia un confortable  revenu d'appoint.

Le recyclage de l'argent sale. A l'époque où Ciancimino était au conseil municipal de Palerme, 5 entreprises ont été chargées de 4205 chantiers de construction. L'un des dirigeants officiels de l'une des entreprises était un ancien maçon, qui vivait chichement comme concierge dans un immeuble qu'il était censé avoir fait construire (voi non .... page 10). Il n'avait probablement pas conscience de son importance théorique. Savait-il seulement que son nom figurait parmi ceux des administrateurs de l'entreprise ? Grâce à la complicité d'hommes politiques qu'ils ont soutenus (en emmenant les bulletins de vote directement dans les familles, par exemple) les appels d'offre truqués sont légions. Ils permettent de donner le marché à une entreprise contrôlée par la mafia, ou d'interdire à une entreprise réticente d'avoir accès aux marchés publics.

La pollution des sols : des "entreprises" mafieuses évacuent les déchets toxiques du nord de l'italie et les transportent dans le sud. Là, grâce à la toute puissance de Cosa Nostra, elles "éliminent" ces déchets dans des conditions écologiques désastreuses : décharge en mer ou à même le sol, dans des caves abandonnées, incinération sans contrôle de processus (donc production de fortes doses de dioxyne) etc....

L'efficacité meurtrière envers les autorités, les écclesiastiques et les élus anti-mafia :

De nombreux juges, substituts, policiers, hommes politiques ont été assassinés depuis l'arrivée de Toto Rinaa à la tête de la mafia (liste non exhaustive) : Michele Reina (1979) Boris Giuliano (1979) ; Cesare Terranova (1979) ; Emanuele Basile (1980) ; Piersanti Matarella (1980) ; Gaetano Costa (1980) Pio La Torre (1982) ; Général Della Chiesa (1982) ; Giangiacomo Montalto (1983) ; Rocco Chinnicci (1983) ; Antonio Saetta (1988) ; Rosario Livatino (1990) ; Antonio Scopelliti (1991) ; Giovanni Falcone (1992) ; Paolo Borsellino (1992) ; Don Pino Puglisi (1992)

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credit photo : Marco di Michel Marisi

Complicités et influences politiques :

Giuglio Andreotti (Sept fois chef du gouvernement). La cour d'appel de Palerme (mai 2003) et la cour de cassation italienne (octobre 2004) ont confirmé que ce bonhomme avait eu des contacts directs avec la mafia, qu'il lui avait demandé des faveurs, qu'au cours de ces contacts, il avait eu des informations sur le meurtre du président Piersanti Mattarella et celui de Gaetano Costa et n'avait pas transmis ces informations à la justice.

En revanche, il faut rendre gloire au juge Giovanni Falcone qui, à travers le maxi procès de la mafia, a mis en place des méthodes de travail efficaces. Le retournement de nombreux mafieux (les "repentis") a été le signe de l'avancée de la justice en Italie. Des gens commençaient à avoir confiance en l'État, à être prêts à travailler avec la justice, contre la mafia. Quand le chef du pool antimafia (Antonino Caponnetto) a démissionné, tous les spécialistes ont cru que Falcone allait prendre la suite. A l'inverse, un nouveau chef a été nommé (Antonino Meli), qui a totalement désorganisé ce qui marchait, qui a fait dissoudre le "pool antimafia" (recréé depuis).Falcone a été mis au rancart au sein de l'équipe, avant d'obtenir une mutation au ministère. Il semble à peu près certain que la nomination de Meli à la place où l'on attendait Falcone a été poussée par la mafia elle même.

Que penser de Guido Lo Schiavo ? (Le ultime...  page XXIX et voi non... page 103) Il fut procureur général aupès de la cour de cassation, et osa écrire sur une revue juridique : "La mafia a toujours respecté la magistrature, et s'est pliée à ses décisions, et n'a pas fait obstacle à l'œuvre de la justice. Dans la lutte contre le banditisme (...) elle s'est mise aux côtés des forces de l'ordre".

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Général Della Chiesa. Crédit photo : narcomafie

Mgr Nunzio Scarano : ce prélat a, semble-t-il, utilisé un compte de l'Église pour rapatrier de l'argent sale au profit de la criminalité organisée (voir par exemple sur le site de Ouest-France)

 

Le problème majeur de la lutte antimafia n'est pas seulement sa puissance politique, militaire ni même économique. La faiblesse de la puissance publique face à la mafia vient de la peur, de la lacheté, de la complicité passive.

Chaque chef d'entreprise qui accepte de payer la "protection" de la mafia participe à sa puissance. Chaque touriste qui accepte de payer les péages illégaux participe à son image de toute puissance.

Il suffirait... que personne n'accepte plus de collaborer avec elle pour qu'elle se retrouve impuissante, appauvrie. 

Nous sommes concernés

La mafia ne se contente pas de ce qu'elle a. Comme toute "entreprise", elle se développe par croissance externe. Le phénomène qui ne concernait que le sud de l'Italie dans les années 30 concerne aujourd'hui toute la péninsule, et la mafia sicilienne s'implante d'ores et déjà en France et ailleurs.

Voyez ce qui se passe à Marseille, où un homme politique a mis en place un tel réseau d'influences que, malgré les nombreuses preuves à son encontre, il est encore en poste, encore influent, encore malfaisant. Système mafieux typique. Système très probablement lié à LA mafia, faute de quoi Cosa Nostra lui aurait montré qu'on ne roule pas impunément sur ses plates-bandes.

Il faut en être conscient et refuser toute forme de collaboration si, demain, nous sommes confrontés au dilemne : acheter ma tranquilité sur le court terme, mais devenir débiteur de cette monstruosité, ou refuser de collaborer avec elle et risquer de perdre de l'argent, voire la vie ! Face à une maladie contagieuse qui s'étend, il faut que chacune prenne conscience du risque et que chacun ait une hygiène de vie, une morale exigeante.

Fasse le Ciel que les appels du Pape en ce sens contribuent à la lente érosion de l'influence de la mafia, érosion entamée par des héros comme Don Pino Puglisi, Della Chiesa, Falcone et Borsellino.

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Le Pape François. Crédit photo : Ouest France


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