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Débattons en paix
23 décembre 2015

Réforme des collèges : on va au carton

La réforme des collèges est sur les rails. Madame Najat Vallaud Belkacem nous plonge dans la mouise avec son beau sourire angélique qui me ferait craquer si elle ne me mettait pas aujourd'hui dans la situation la plus désagréable que j'aie connue en quinze ans d'enseignement.

Najat-Vallaud-Belkacem-annonce-son-plan-de-reformes-du-college

source : Elle

Si vous en avez le courage, lisez les 73 pages de la réforme du cycle 4 (de la 5ème à la 3ème) et les 35 pages de celle du cycle 3 :

 2015_prog_cycle_3

2015_prog_cycle_4

Je ne parlerai ici que de la Physique-Chimie, mon domaine. Mais je sais que mes remarques sont, en grande partie, applicables à toutes les disciplines.

On nous dit, en page 48 (cycle 4) à propos des quatre thèmes autour desquels s'articule le programme : 

«(Les) quatre thèmes ont vocation à être traités tout au long du cycle 4. Ils sont interdépendants et font l'objet d'approches croisées, complémentaires et fréquentes, reprenant et approfondissant les notions tout au long du cycle. Il est possible d'atteindre les attendus de fin de cycle par différentes programmations sur les trois années du cycle, en partant d'observations d'objets ou de phénomènes pour aller vers des modèles plus élaborés, en prenant en compte la progressivité dans la présentation des notions abordées dans d'autres disciplines, notamment les mathématiques, les sciences de la vie et de la Terre et la technologie.»

Explication de texte. Ces quatre lignes montrent tout le côté négatif de cette réforme.

1 : On va mettre en difficulté des jeunes qui n'ont pas besoin de ça. Chaque collège va appliquer son propre programme, sa propre organisation pour atteindre l'objectif fixé en fin de troisième. 

Un ado qui déménage est déstabilisé. Il perd ses repères, ses copains, ses profs, son établissement scolaire. On va lui rajouter une nouvelle perte de repères : il va inévitablement s'ennuyer sur des séances de cours traitant de ce qu'il a déjà vu, et il va être perdu sur des séquences qui s'appuient sur des prérequis qu'il n'aura pas vus. Cet ado déstabilisé par les contraintes familiales se verra en plus déstabilisé par la nouvelle organisation des Collèges. Merci pour lui !

2 : On demande aux professeurs de faire le travail des agents du ministère.

Ce nouveau programme du collège est paru le 26 novembre dernier. Entre le cycle 3 (55 pages) et le cycle 4 (73 pages), la simple lecture représente un travail non négligeable. Lire un tel texte d'un bout à l'autre, sans s'y arrêter, représente déjà entre une et deux heures, mais là, il s'agit du cadre dans lequel nous travaillerons l'année prochaine. Une lecture approfondie pour se l'approprier, en comprendre le sens exact et simplement prendre pleinement conscience du travail qu'il nous reste à faire représentera bien plus.

Par rapport à ce qui se faisait jusqu'à présent, il y aura une rupture : nous, professeurs du collèges, devons traduire ce programme global de chaque cycle en programme annuel pour chaque niveau, ce qui implique un travail en concertation entre les professeurs de physique, mais aussi avec d'autres professeurs (je cite à nouveau : "en prenant en compte la progressivité dans la présentation des notions abordées dans d'autres disciplines, notamment les mathématiques, les sciences de la vie et de la Terre et la technologie".) et, théoriquement, avec les instituteurs (pour le cycle 3)... On est déjà ici à un niveau de difficulté assez grave : comment travailler en concertation avec les instituteurs ? Si la grosse majorité de nos élèves de 6ème venait d'un seul établissement, ce serait encore à peu près pertinent ; mais ce n'est pas le cas donc cette concertation est une mission impossible. Ceci n'est pas plus facile pour le cycle 4. Il faut que les professeurs de Physique, de Mathématiques, de SVT et de Technologie travaillent ensemble et simultanément pour que les notions abordées ici puissent être utilisée là. 

Ce travail de répartition des contenus et des notions sur les quatre années du collège était autrefois réalisé par le ministère, qui y passait une année de travail si ce n'est plus (lors de la dernière réforme, des décisions concernant le programme ont été prises tardivement alors que les ouvrages étaient déjà imprimés par les éditeurs et livrés à notre collège !). Les agents en charge de cette tâche y travaillaient à plein temps.

Or ce travail qu'un ministère dont c'est le savoir-faire et la fonction avait du mal à réaliser en un an, nous est demandé pour la rentrée prochaine, en sus de notre travail normal. Les professeurs, quoi qu'en disent mes collègues qui n'ont pas d'expérience en dehors de l'Éducation nationale, ont plus de temps libre que la moyenne des salariés des entreprises privées. Mais ils n'ont pas pour autant le temps de réaliser ce lourd travail en concertation avec l'ensemble de leurs collègues. 

En résumé : on va au carton, on le sait, il n'y a aucun espoir que cela se passe bien. Que fait-on ?

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Commentaires
T
On ne va plus au carton, on est profondément enfoncé dans le bourbier d'une réforme inapplicable.
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M
Après deux mois de fonctionnement, je vous le confirme. On ne va plus droit dans le mur, on s'éclate la gueule !
Répondre
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