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Débattons en paix
16 janvier 2013

Enseignement : le "Socle commun de compétences"

Le Socle commun est parti d'une excellente idée : il faut s'assurer que chaque jeune français atteigne un niveau minimum. Qu'il sache vraiment lire, écrire, exprimer ses idées, faire les calculs de tous les jours.

Cette idée est apparue après qu'on ait constaté que ce n'était plus le cas. Mais je me demande si on s'est demandé pourquoi les anciens enseignants qui, parait-il, travaillaient si mal, s'en sortaient mieux que nous.


Autre objectif : donner à tous les jeunes européens un référentiel commun de compétences.

Et j'ai l'impression que cette idée géniale a été transformée, peut-être à dessein, en usine à gaz.

J'ai eu aujourd'hui une deuxième séance de formation sur ce sujet et je suis de plus en plus déçu et réticent. Car ce qui devait être un moyen devient un objectif, et parce qu'on rajoute des concepts nouveaux au lieu d'épurer, de réorganiser, d'améliorer des concepts existants.

Je n'irai pas ici décrire ce socle commun ni ce que l'education Nationale attend de nous, mais le "socle commun" dont je révais, à ma modeste place d'enseignant en physique chimie.

1 Sur les principes généraux : évaluer les compétences, ce n'est pas nouveau !

En préliminaire, parlons de compétences. Que croyez vous qu'un professeur évalue ? une connaissance ? un savoir-faire ? une compétence ?

Depuis toujours, le professeur forme ses élèves en transmettant des connaissances, en expliquant des savoir-faire, en suscitant des compétences. Depuis toujours, le professeur évalue les trois. Il demande à l'élève d'apprendre par cœur (récitations, poésies, formules mathématiques) à la fois pour entraîner la mémoire et pour évaluer la compétence "mémorisation". Retenir un poème peut être une grande satisfaction pour certain, une fierté pour quelques personnes agées, mais concrètement, "ça ne sert à rien". C'est le travail intellectuel qui va avec qui est important : mémorisation, compréhension précise du sens du texte pour le dire de manière pertinente. L'important est dans les compétences transversales qui sont utilisées.

Un professeur de physique demande d'appliquer une formule. Cette application se fait d'abord en classe. Cela permet de former l'élève à une forme d'abstraction, très utile en mathématiques, en physique, en économie, en géométrie et de le former à d'autres connaissances transversales. Puis le professeur évalue ces compétences variées (mémoriser, manier des objets abstraits, savoir adapter un savoir faire théorique à une situation nouvelle....) autant qu'il évalue des connaissance ou des savoir faire.

Donc, même si le mot n'est pas employé, même si la "note" ne détaille pas suffisamment l'évaluation de la compétence, nous pratiquons cette évaluation depuis la nuit des temps. C'est dans les appréciations notées sur les copies que, parfois, on détaille la part de la mémorisation, celle des compétences, celle du travail personnel. Je reconnais que pendant trop longtemps, je ne l'ai pas fait. C'est l'une des voies de progrès personnel sur lesquelles je me suis engagé, et je n'ai pas fini. Nous progressons tous, et c'est au contact des élèves que je progresse.

2 Pour éviter l'usine à gaz, un référentiel unique

Je comprends parfaitement qu'on cherche à évaluer des compétences tranversales. Je comprends parfaitement qu'on cherche à les identifier clairement, matière par matière. Mais de deux choses l'une :

- soit on laisse au prof son entière liberté/responsabilité pour définir et évaluer ces compétences,

- soit on lui impose les compétences à évaluer. C'est la voie choisie aujourd'hui par l'Éducation Nationale. C'est un choix que je respecte et que j'applique puisque, salarié, je DOIS faire ce que me demande mon patron, même si je le désapprouve. Mais rien ne m'interdit de vous dire ma désapprobation, pour faire avancer le débat d'idées.

Et si on m'impose ce choix, ce n'est pas à moi de passer des heures à essayer de faire coller le référentiel "socle commun" avec le référentiel "programme". Il faut un référentiel unique, qui définisse à la fois les compétences visées, les connaissances à acquérir et les savoir-faire associés.

Par exemple : la loi d'Ohm,

 

Connaissance : apprendre par cœur la loi, savoir ce que représente chaque lettre, savoir quelle unité correspond à quelle grandeur..

Savoir faire : savoir mesurer l'intensité qui traverse le composant, savoir mesurer la tension aux bornes de ce dipôle.

Comme première compétence : je proposerai le libellé "être capable de faire la liaison entre une formule abstraite et une situation concrète" : Ici, j'ai un circuit sous les yeux, j'identifie le composant de résistance R, les points entre lesquels je peux mesurer la tension U, le fil sur lequel je peux mesurer l'intensité I

Autre compétence : je propose "savoir passer d'une formule au calcul d'une grandeur" (ici : "U = RI", Trouver la valeur de I si mon dipôle a une résistance de 20 Ohm et qu'il est alimenté sous 12 Volt).

 

3 Evaluer c'est bien, remédier c'est mieux

Donc, nous formons à des compétences tranversales et nous n'avons pas attendu les "pédagogistes" pour ce faire. Nous continuerons à profiter de l'expérience de nos anciens (qui ne travaillaient pas si mal qu'on nous le dit à chaque formation) sans attendre les prochaines modes de l'éducation Nationale.

Mais comment l'évaluation des compétences se passe-t-elle au niveau des élèves ?

Sur le schéma ci-dessous, volontairement simpliste, j'ai fait figurer (en noir) les compétences attendues d'un élève moyen au cours du temps.

 competences

Certains élèves ont des difficultés. Lorsque l'on constate qu'en fin d'année l'écart entre les compétences (ou les connaissances, ou les savoir faire) attendues et les compétences réelles est trop grand, on propose le redoublement à l'élève (courbe verte). On espère ainsi qu'il pourra raccrocher à la progression de l'élève moyen. Cela marche généralement pas trop mal, mais l'année de redoublement est parfois, trop souvent, catastrophique, elle peut alors être le départ d'une profonde démotivation de l'élève.

Je propose (et j'applique de mon côté depuis trois ans) un autre principe : en dehors des "contrôles de leçons", contrôles courts, juste destinés à inciter l'élève à travailler régulièrement, mes élèves peuvent toujours "rattraper la note".

Sous cette appelation alléchante, je leur propose de réexpliquer, s'ils le souhaitent, ce qu'ils n'ont pas su faire dans le dernier contrôle, et de repasser, à l'oral, un contrôle sur les mêmes connaissances, les mêmes savoir-faire, les mêmes compétences. Comme c'est à l'oral, même s'ils n'ont pas les connaissances, je les aide pour vérifer si les savoir-faire et les compétences sont là. 

Par cette méthode, 

- j'incite mes élève à (re)travailler ce qu'ils ont raté. c'est une formation et une leçon pour la vie : un échec n'est jamais définitif.

- je remonte leur note, ce qui les valorise à leurs propres yeux et aux yeux de leurs parents

- j'évalue réellement leur compétence, même s'ils sont trop fainéants pour avoir appris leur leçon.

- je traite le cas des dyslexiques et de quelques autres dys : par l'interro orale, j'évalue la compétence en physique ou en maths, et non pas la compétence en compréhension de consigne écrite.

Si cette méthode de travail était généralisée, on obtiendrait la courbe rouge : le redoublement ne serait plus nécessaire que les cas où les élèves ne jouent pas le jeu. Ce qui réduirait significativement le nombre des échecs en final.

 

4 Réorganiser le temps scolaire


Pour faire ce que je propose, il faut du temps. Mais, pour ce qui concerne ce que je connais (les maths, la physique) il n'est pas besoin d'ajouter du temps aux profs. Il suffit d'en retirer aux élèves en laissant la même chose aux profs. Sur mes 5 séances de maths en classe entière, je préfèrerais avoir 2 séances en classe entière et trois séances en 3 groupes plus homogènes. Moins de fatigue pour les élèves, travail très intense mais adapté aux capacités réelles de chacun une fois par semaine, travail personnel, à la maison, correspondant à l'une des deux séances supprimées, mais travail guidé par les jalons posés en petits groupes. Je suis convaincu que j'arriverai à de bien meilleurs résultats ainsi.

En physique, on peut ainsi imaginer des cycles sur 4 séances (1 en classe entière, 3 en petits groupes, mais avec 1 groupe en TP et un en travail individualisé, dans la même classe).

Ce temps en petits groupes peut ainsi être consacré à une meilleure explication initiale, puis à la remédiation une fois que l'évaluation a montré les faiblesses de chacun, ou à l'approfondissement pour les élèves qui ont acquis toutes les compétences, tous les savoir-faire exigibles.

Les "précoces", comme les élèves en difficulté, aussi malheureux aujourd'hui les uns que les autres, y trouveront leur compte.

 

5 La pédagogie différenciée

On m'a souvent dit "il n'y a qu'à adopter une pédagogie différenciée" en rajoutant, comme on me l'a dit aujourd'hui "ça marche dans le primaire, pourquoi ça ne marcherait pas au collège ?"

D'abord, il faut être sacrément optimiste pour dire que ça marce dans le primaire. Les résultats sont là pour prouver le contraire. Mes collègues sont unanimes pour se désoler du niveau catastrophique des élèves arrivant en 6ème, qu'il s'agisse d'orthographe, de grammaire, de calcul, de culture générale, de richesse du vocabulaire, de compréhension en général.

Ensuite, dans le primaire, on a le même groupe d'élève du matin jusqu'au soir. on peut passer du temps à organiser le travail en autonomie, à expliquer à chacun son "plan de travail". Quand vous avez passé 20 minutes à expliquer ça aux élèves, il vous reste quelques heures devant vous. Nous, ça nous prendra 30% du temps. Temps perdu que je préfèrerais consacrer à aider les élèves à progresser, chacun à son rythme.

 

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