Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Débattons en paix
12 août 2012

Gaz de schiste

 Une amie que j'apprécie énormément pour ses compétences, son honnêteté et son dévouement, me bombarde réguliérement d'informations, de pétitions contre l'exploitation du gaz de schiste.

Etant moi-même Ardéchois, je suis à priori déchiré entre deux positions opposées : le désir de voir enfin "mon pays" bénéficier d'une source de richesse susceptible de garder des jeunes au pays, (depuis 1987, j'ai vainement cherché à y trouver un travail dans mes cordes) et la crainte de voir ce département magnifique détérioré, si ce n'est pire, par une industrialisation sauvage, et pollué par cette énergie nouvelle mais inquiétante. Connaissant mal le sujet, j'ai essayé de le creuser. Voici le résultat de ma recherche.


ORIGINE et GISEMENTS

Comme tous les hydrocarbures fossiles, le gaz de schiste provient de la décomposition de cadavres divers (en  particulier de plancton marin) sédimentés au fond des océans et recouverts de tous types d'autres sédiments (boues...).
"Le gaz de schiste et l'huile de schiste sont issus de la décomposition de matières organiques piégeés au fond des océans. Avec le temps et les transformations physico chimiques, ces fonds marins se sont transformés en roches métamorphiques (schistes). Une partie des hydrocarbures formés a migré et constitué des nappes gazeuses ou pétrolifères. Le reste est resté piégé dans la roche :"

GasDepositDiagramsource: http://fr.wikipedia.org/wiki/Fichier:GasDepositDiagram.jpg



Pour faire court, losqu'ils sont insuffisamment piégés, les hydrocarbures formés migrent vers la surface et finissent pas être éliminés naturellement. Lorsqu'ils sont piégés entre deux couches imperméables, on obtient un gisement de pétrole ou de gaz. Lorsqu'ils sont piégés dans la roche, on obtient du gaz de schiste.

De partout où on a du schiste, on a donc la possibilité que des hydrocarbures y aient été piégés. C'est le cas sur la bordure sud-est du massif central.
«En France, "la géologie des différents bassins sédimentaires est plutôt favorable à leur développement, notamment dans le bassin du Sud-est, dans le triangle Valence-Montpellier-Nice", estime Roland Vially, géologue à l’IFP énergies nouvelles» (Durable .info)

Gaz_de_schiste_dans_le_sud_est_1source : http://www.developpement-durable.gouv.fr/Combien-de-permis-de-recherches.html

«Il y a une quinzaine d’années, on ignorait comment exploiter ce gaz contenu dans ces formations géologiques. Ce gaz est aujourd’hui extrait en grande quantité aux États-Unis où il représente 12 % de la production locale de gaz contre seulement 1 % en 2000. En Europe et notamment en France, l’évaluation de ce type de ressources démarre à peine. Selon certains experts, les réserves mondiales de gaz de schiste seraient 4 fois plus importantes que les ressources en gaz conventionnel.» (Ministère du développement durable)

Importance actuelle du gaz de schiste :

Le gaz de schiste constitue une faible part de la production mondiale d'hydrocarbure. Il représente cependant un élément stratégique important. Par exemple, face à des producteurs tentés d'augmenter le prix des hydrocarbures, l'existence de gaz de schiste exploitable chez leurs principaux clients peut avoir un rôle modérateur. Si leur pétrole ou leur gaz devient trop cher, l'exploitation du gaz de schiste devient rentable, et ils perdront leurs pétrodollars.

«Selon une étude du Baker Institute of Public Policy de l'Université Rice, l'augmentation de la production de gaz de schiste aux États-Unis et au Canada pourrait contribuer à empêcher la Russie, le Qatar et l'Iran de dicter des prix plus élevés pour le gaz qu'ils exportent vers l'Europe». (Wikipedia)

«Par ailleurs, selon de nombreux économistes, la chute du prix du gaz aux Etats-Unis due à l'essor de la production des gaz non conventionnels profite aux industriels américains au détriment des Européens. Ceci est particulièrement notable dans le secteur de la chimie et de la pétrochimie, avec un écart de compétitivité croissant de part et d’autre de l’Atlantique et des transferts de capacités considérables depuis l’Europe et l’Asie vers les États- Unis.» (Wikipedia)

Importance des gaz de schiste sur le long terme :

Les ressources en hydrocarbures fossiles se réduisent. Le "peak oil" a été franchi au début des années 2000 (nous consommons désormais chaque année plus de pétrole que nous n'en découvrons). Les énergies alternatives sont contestées (nucléaires) ou peu susceptible de remplacer le pétrole à horizon visible (énergies renouvelables). Comment assurer la transition ? Le gaz de schiste est une option qu'on ne peut pas rejeter à priori.


«il est stratégique pour les états d'utiliser cette ressource qui leur permettrait de réduire leur dépendance énergétique. Tout comme il est stratégique pour les compagnies pétrolières d'être présente sur ce créneau qui demande un fort savoir-faire» (Wikipedia)


Procédé :
Voir le schéma au début de ce post : «Le procédé s'appuie sur le forage directionnel (souvent horizontal), associé à la fracturation hydraulique, d'un grand nombre de puits. Le forage directionnel consiste à forer non pas verticalement, mais à une profondeur et un angle qui permettent au puits de rester confiné dans la zone potentiellement productrice, comme le montre le schéma ci-dessus. La fracturation hydraulique consiste à provoquer un grand nombre de micro-fractures dans la roche contenant le gaz, permettant à celui-ci de se déplacer jusqu'au puits afin d'être récupéré en surface. La fracturation est obtenue par l'injection d'eau à haute pression dans la formation géologique, autour du point d'injection.

On ajoute des additifs dans l'eau afin d'améliorer l'efficacité de la fracturation :

    * du sable de granulométrie adaptée, qui va s'insinuer dans les micro-fractures et empêcher qu'elles se referment ;
    * des biocides destinés à réduire la prolifération bactérienne dans le fluide et dans le puits ;
    * des lubrifiants qui favoriseront la pénétration du sable dans les micro-fractures ouvertes par la pression de l'eau ;
    * des détergents qui augmentent la désorption du gaz et donc la productivité des puits.» (Wikipedia)

Les risques :

Des risques évidents sont inhérents au procédé : on injecte dans le sous sol des substances (biocides, lubrifiants) qui n'en ressortiront que de manière incontrôlée.  Demain, nos descendants seront-ils impactés par les substances toxiques injectées à très grande profondeur ? J'en doute mais ne peux pas affirmer qu'ils ne le seront pas.

La migration de ces substances vers les couches supérieures, vers les nappes aquifères exploitables est-elle possible ? On ne peut pas se permettre de courir ce risque, s'il est effectivement présent.

Enfin, les fuites le long du système de forage peuvent concerner toutes les couches y compris en surface. Et cela est inacceptable.
«Des retombées négatives, via les pollutions engendrées, ont été identifiées dans le secteur des eaux de source et eaux potables[12], et ont donné lieu à une forte opposition, au moins en France, dans les secteurs du tourisme et de l'agriculture.» (Wikipedia)

"Une étude de l’EPA évalue actuellement l’impact de cette exploitation sur la santé et l’environnement. L’EPA a déjà retrouvé des composés hautement cancérigènes, tandis que 3 ou 4 cas de pollution des nappes aquifères adjacentes et de contamination de l’eau ont été relevés aux USA." (durable.info)

«L’ensemble des rapports réalisés en 2011 sur la question de l’exploration et de l’exploitation des gaz de schiste met en avant l’impact négatif sur la ressource en eau et les milieux aquatiques des techniques utilisées par l’industrie gazière et pétrolière :
- recours à de grandes quantités d’eau pour la mise en œuvre de ces techniques
- risque non négligeable de pollution des nappes phréatiques et des aquifères profonds liées aux forages (fuites dans les puits cimentés) par les additifs au fort potentiel polluant (sels, acides, biocides, benzène ...).
- risque non négligeable de pollution par les eaux de process qui comprennent de nombreux additifs au fort potentiel polluant (sels, acides, biocides, benzène ...). Il parait impossible de traiter ces eaux de process qui finissent immanquablement par regagner le milieu naturel et les différents aquifères.
- risque de pollution des aquifères par des migrations de méthane via des microfailles dûs aux séismes engendrés par la facturation.» (source : collectif 07 stop au gaz de schiste)

«La seconde conséquence est locale avec notamment des risques de pollution des nappes souterraines par manque d’étanchéité des forages (le risque étant aggravé pour le gaz qui est par nature éruptif par rapport aux huiles plus denses) et de pollution des sols (en cas de fuite des canalisations). La consommation d’eau est élevée (15 000 à 20 000 m3 par puits). L’implantation des machines à forer et des installations connexes peut émettre du bruit et avoir un impact important sur les paysages.» (source : Ministère du développement durable)

En revanche, je ne suis pas convaincu par l'argument selon lequel le gaz de schiste contribuerait particulièrement à la production de CO2. Même si son exploitation représente une plus forte consommation d'énergie, sa proximité des lieux de consommation (pour ce qui nous concerne) représente à l'inverse un énorme gisement d'économie. Quelqu'un m'a dit un jour que le voyage d'un pétrolier consomme à lui seul 30% du pétrole qu'il transporte. Cela me semble exagéré, mais il est probable que (du point de vue de la production de CO2) le transport du méthane en provenance d'Algérie consomme assez d'énergie pour rendre le gaz de schiste écologiquement pertinent.

De même, les pertes de méthane à la production existent, quelles que soient les ressources, gisement classique ou gaz de schiste. Je n'ai pas trouvé d'argument exliquant pourquoi il y en aurait plus avec le gaz de schiste. Quant au schéma ci-dessous, il traduit une certaine forme de manipulation. Quand on parle de pollution au méthane, on parle de millions de tonnes. Pourquoi l'exprimer en grammes ? Peut-être parce que 125 000 tonnes perdus par an, c'est assez négligeable pour un bassin de production ?

«Le calcul du bilan total au regard de la contribution à l'effet de serre implique d'ajouter au CO2 issu de la combustion du gaz, celui qui est issu du pétrole dépensé pour la construction et le fonctionnement des puits, mais aussi le méthane qui fuit vers l'atmosphère lors de l'extraction et lors du transport du gaz» (Wikipedia)

735px_ShaleGazGaz_de_schisteFrackingFracturationFuites2012NOAA
source : http://fr.wikipedia.org/wiki/Fichier:ShaleGazGaz_de_schisteFrackingFracturationFuites2012NOAA.jpg


Bien plus inquiétant est le lien établi entre fracturation hydraulique et sismique :

"Selon le British Geological Survey, le centre britannique des tremblements de terre, il existe un lien bien connu entre fracturation hydraulique et tremblements de terre. En juin 2011, la société Cuadrilla Resources a du interrompre son activité d'exploration dans le nord-ouest de la Grande-Bretagne, en raison de plusieurs séismes de magnitude 1,5 à 2,3.

«Plus qu'à la fracturation des roches, ces séismes seraient principalement dus à l'injection d'eau. Le phénomène avait été constaté dans le Colorado en 1960, alors que l'armée américaine se débarrassait par injection dans le sous-sol d'armes chimiques. Le séisme enregistré d'une magnitude de 5,5 sur l'échelle de Richter avait conduit à l'arrêt de ces injection» (Wikipedia)

Ce caractère "sismogène" ne doit pas être négligé. Il interdit la fracturation hydraulique dans toutes les régions à risque sismique élevé. Car si un tremblement de terre de magnitude 2,3 est imperceptible, le phénomène peut être à l'origine du déclenchement de séismes beaucoup plus graves, là où les tensions tectoniques sont déjà proches des valeurs de ruptures.

Les solutions techniques :

Selon ce qui précède, il semblerait que, à ce jour, deux risques réels aient été identifiés dans le cas des exploitations existantes : le risque sismique et la pollution des nappes aquifères.

nappes aquifères :

Contrairement à ce qui est écrit sur le schéma ci-dessous, il n'y a pas que la nappe phréatique à protéger, mais bien l'ensemble des nappes actuellement accessibles et des nappes intéressantes pour un futur lointain. A chaque traversée de nappe aquifère, des systèmes d'étanchéité efficaces doivent être mis en place. On sait le faire. Certains, aux U.S.A. ont négligé de le faire et les résultats en ont été catastrophiques :


schiste

 

 

"« À ce niveau, il est nécessaire de bien étanchéifier les parois du puits, quitte à augmenter le nombre de cuvelages et de cimentations, un peu comme les doubles coques des navires », explique Didier Bonijoly, chef du service géologie du Bureau de recherches géologiques et minières" (source : la recherche, http://www.larecherche.fr/content/actualite-terre/article?id=29656)

Il faut de plus aller très loin dans l'analyse de défaillance. Les niveaux des couches vont se déplacer, d'une part à cause de la fracturation hydraulique, d'autre part à cause de la variabilité naturelle. Des anomalies de fabrication ou de fonctionnement peuvent exister : comment s'assure-t-on du contrôle de fabrication de ces systèmes d'étanchéité ? Comment s'assure-t-on de leur bonne tenue dans le temps ? Le problème n'est pas simple, mais il n'est pas non plus insoluble.

risque sismique :

Là aussi, le risque existe, et doit être pris très au sérieux. Mais cependant, restons raisonnable. Exemple : le gisement gazier de Lacq. On en est aujourd'hui convaincu, l'expolitation de ce gisement (sans fracturation hydraulique !) est lui aussi "sismogène"(cf les travaux de l'italien Caloi, en 1956, et ceux de J.P. Rothe en 1977) Dans une région autrement plus active au niveau sismique que ne l'est le massif central, un seul séisme (1967, Arette), voir wikipedia) a eu des conséquences graves (1 mort, un village détruit à 80%), et rien ne dit qu'il y ait une corrélation avec Lacq !

En revanche, l'étude faite par Rothe sur Lacq confirme le risque lié à la fracturation hydraulique. Citant Mac Cain, il rappelle que, si la condition principale est l'existence de tensions tectoniques importantes,  "le type de réservoir le plus favorable est celui où la porosité résulte d'un système de fractures dans les roches par ailleurs non poreuses et imperméables". Autrement dit, on reproduit artificiellement, avec la fracturation hydraulique, les conditions qui, à l'état naturel, sont optimales pour favoriser les risques sismiques d'origine anthropique.

Conclusion

L'exploitation du gaz de schiste représente un risque nouveau et moins bien connu que la plupart des autres risques industriels.

L'homme a appris à faire face à des risques nouveaux. Quoi de plus dangereux, en soi, que le risque nucléaire ? Pourtant, les conséquences écologiques et humaines de la totalité des incidents et accidents nucléaires survenus depuis l'avènement de cette énergie sont totalement négligeables, eu égard à l'énergie produite, par rapport aux conséquences de l'utilisation du charbon, ou même du pétrole. Quoi de plus dangereux que de se ballader à 5000 mètres au-dessus du sol ? Pourtant, l'avion est devenu un système de transport des plus sûrs.

Si le sujet est traité avec sérieux, le gaz de schiste peut être, pour demain, une ressource d'avenir sure et non polluante.

Mais pour cela il faut impérativement éviter son exploitation aussi longtemps que les solutions techniques fiables aux problèmes posés ne sont pas clairement définies. Et la définition de ces solutions techniques passe par l'expérimentation !

L'expérimentation, cela peut être la réalisation de forages, l'injection d'eau et de sable, mais sans aditif toxique, juste chargée de "marqueurs" destinés à détecter d'éventuelles fuites, et l'utilisation de ces forages pour qualifier les solutions proposées par les exploitants.

L'expérimentation, cela peut être la mesure de contraintes tectoniques sur un nombre significatif de points environnant ces forages et la mesure de l'évolution de ces contraintes après fracturation.

Préparer l'avenir, ce n'est pas s'interdire d'y réfléchir !

 

 Retour au sommaire


Sources consultées
durable.info : http://cdurable.info/Alerte-Gaz-de-schiste-Sud-France-Forages-Valence-Montpellier-Ales-Cevennes,3164.html
Wikipedia : http://fr.wikipedia.org/wiki/Gaz_de_schiste

Ministère du développement durable : http://www.developpement-durable.gouv.fr/Qu-est-ce-que-le-gaz-et-l-huile-de.html

collectif 07 stop au gaz de schiste : http://www.stopaugazdeschiste07.org/spip.php?rubrique2

La Recherche : http://www.larecherche.fr/content/actualite-terre/article?id=29656

Publicité
Publicité
Commentaires
O
Les opposants aux gaz de schistes trouveront toujours des arguments quelque peu fallacieux destinés à frapper l'imaginaire, pour pousser à rien faire. Que répondre quand les druides affirment aux Gaulois que le ciel va leur tomber sur la tête? La dérision reste de mise.<br /> <br /> <br /> <br /> Les Parisiens qui boivent l'eau de la Seine ont bien raison de s'inquiéter des bulles de gaz qui montent naturellement depuis des millions d'années à la surface, et qui, si piégées dans les nappes phréatiques, s'en échappent aussi rapidement une fois à l'air libre, un peu comme les bulles du champagne. <br /> <br /> <br /> <br /> Les Parisiens dont les murs vibrent chaque fois qu'un métro passe en dessous de chez eux, ont bien raison de s'inquiéter des 1500 séismes annuels qui se produisent dans le sud-est de la France et les Pyrénées, et que personne ne perçoit sauf exception. <br /> <br /> <br /> <br /> Et le changement comportemental des vaches américaines n'a rien à voir dans la réduction des gaz à effet de serre aux USA au cours des dernières années, car c'est le gaz de schistes qui a permis de fortement réduire la consommation de Charbon dans les centrales électriques. <br /> <br /> <br /> <br /> La seule objection qui vaille, à mes yeux, ce sont les volumes considérables d'eau qu'il serait nécessaire de prélever et acheminer. Le reste est une question de bonnes pratiques à suivre. D'ailleurs toutes connues et efficaces. <br /> <br /> <br /> <br /> De toute façon, même si les ressources en gaz de schistes étaient confirmées, il est fort probable qu'elles ne seraient pas exploitables économiquement. Ex: couts de remise en état très hauts, réseau de pipelines à construire de zéro, environnement pétrolier peu compétitif, administration lente qui ouvrira toujours le parapluie.
Répondre
Débattons en paix
Publicité
Archives
Publicité