Euro : Philippe de Villiers avait raison
Rappelez vous du débat, en 1999, 2000. L'Euro devait il être une monnaie unique ou une monnaie commune ?
Monnaie commune : une monnaie acceptée dans tous les pays de l'Europe, convertible en monnaie locale sans frais de change, à un taux fixe, non soumise aux aléas du marché. Nous aurions gardé le Franc, mais nos entreprises étaient libres de libeller leurs contrats en Franc ou en Euros. Une étape intermédiaire entre le SME, le "serpent monétaire", et la monnaie unique. En cas de problèmes économiques localisés, par exemple à la France, cette dernière gardait le recours de renégocier avec les autres états européens la parité Franc/Euro. Si nous étions dans cette situation aujourd'hui, nous aurions tout intérêt, à dévaluer le franc d'environ 20% pour rétablir notre balance commerciale.
Monnaie unique. C'est la situation actuelle. Si la Grèce s'enfonce dans le marasme, c'est en grande partie à cause de la surévaluation de l'Euro, catastrophique pour un pays qui vit principalement du tourisme.
Philippe de Villiers, classé un peu trop vite comme "eurosceptique" avait largement anticipé ces problèmes et militait pour la monnaie commune. Il avait en mémoire la catastrophe de 1981, dont nous n'avions pu sortir que par une suite de plusieurs dévaluations du Franc. "Je ne serai pas l'homme d'une troisième dévaluation" disait Pierre Mauroy à la presse... Vainement.
Crise grecque : il existe une solution de sortie viable et honorable
Imaginons... Dans un premier temps, on rebaptise la monnaie grecque "drachme", avec une parité fixe (car la grèce ne sort pas de la zone euro). Les banques grecques retirent peu à peu les euros qu'elle reçoivent et les remplacent par des Drachmes.
Dans une deuxième temps, on renégocie la parité entre Drachme et Euro. On redonne ainsi de l'oxygène à l'économie grecque, qui redevient une destination touristique attractive ; on pousse les grecs à un effort de chacun (la dévaluation est une forme d'impôt, puisqu'elle appauvrit chacun en réduisant son pouvoir d'achat sur les matières importées) mais en favorisant le redémarrage de l'activité intérieure pour produire sur place, moins cher, les biens précédemment importés mais devenus trop chers.
Je n'oublie pas que c'est une mesure injuste : les plus riches, ceux qui ont aujourd'hui des euros en réserve, s'enrichiront sans effort le jour de la dévaluation. Mais aux dépens de qui ? Essentiellement aux dépens de l'euro, qui pourra, dans un premier temps, souffrir de la vitesse de circulation de la monnaie rendue localement possible pour les classes bourgeoises de Grèce. Et au profit des commerçants grecs qui pourront doper leurs ventes en adoptant une stratégie adaptée à la situation. Au profit donc de l'économie grecque toute entière.
"Pourquoi n'y ont-ils pas pensé"
La stratégie de construction européenne suivie depuis le couple Mitterand-Kohl s'appuie sur l'idée d'une Europe fédérale, à terme, et de l'impossibilité de revenir en arrière. Cet objectif implique une convergence toujours plus grande entre les politiques économiques et sociales des états européens. Or les dirigeants des états européens n'osent pas dire à leur peuple : nous renonçons à notre souveraineté au profit d'une souveraineté européenne. Cette perte de souveraineté avance donc à petits pas discrets et irréversibles.
La monnaie commune, avec sa capacité de réajustement, va à l'encontre de cette stratégie. Elle permet à un état de s'écarter de la ligne définie par l'Europe. Face à la rigueur budgétaire imposée par notre "pacte de stabilité", François Hollande, avec une monnaie nationale pourrait facilement prendre toutes les mesures qu'il annonce, sachant qu'il pourrait les "financer" par une dévaluation, que l'Europe ne pourrait se permettre de refuser, au risque d'affaiblir la monnaie commune. Créer une monnaie commune en lieu et place d'une monnaie unique permettrait de sauver la Grèce, mais tuerait tout espoir d'une Europe fédérale à court et moyen terme.